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" QUEL AVENIR POUR NOS UNIVERSITÉS CANADIENNES ? "

Allocution du recteur de l'Université Laval, M. Michel Pigeon, devant les membres de l'Institut C.D. Howe,le jeudi, 16 juin 2005, à l'Hôtel Ritz Carlton de Montréal à 12 :00

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

C'est Niels Bohr, prix Nobel de physique, qui a dit que " prediction is very difficult, especially when it's about the future. " C'est un peu ce que je ressens ce midi alors que je m'apprête à réfléchir avec vous à l'avenir de nos universités canadiennes.

Comme l'Institut C.D. Howe est un " think tank " canadien réputé, j'ai pensé aborder la question de l'avenir de l'enseignement postsecondaire au Canada sous un angle particulier, afin d'apporter, si possible, une contribution tangible à votre réflexion sur cette question.

En Occident, les universités font partie de ce groupe restreint d'organismes durables. De toutes les institutions qui existaient dans le monde occidental au début du seizième siècle, il n'en reste aujourd'hui que 85 : l'Église catholique, les Parlements de l'île de Man, d'Islande et de Grande-Bretagne, plusieurs cantons suisses, et quelque 70 universités. Autre petit fait historique intéressant à noter plus près de chez nous : l'origine de l'Université Laval précède celle de notre Parlement et de notre gouvernement. Les universités, on le voit, ont bel et bien su évoluer au cours des siècles. Mais dans un monde changeant, je ne crois pas que le passé soit l'absolu garant de l'avenir. La survie et le développement de toute organisation ne peuvent pas être le résultat de sa passivité ou de son inertie.

À la question " Quel avenir pour nos universités canadiennes ", il faut d'abord répondre que celles-ci connaîtront l'avenir qu'elles se donneront. Et pour que cet avenir soit positif, je pense que nos universités doivent s'adapter, doivent s'ouvrir, bref que nos établissements de haut savoir doivent devenir des universités citoyennes.

S'adapter

Les universités doivent d'abord s'adapter. Pour nos organisations universitaires, le développement passe par une véritable révolution, qui est déjà amorcée. Les universités doivent, sous peine d'être dépassées, centrer leur activité sur l'apprenant. En d'autres mots, accepter que ce soit l'étudiant qui est la personne la plus importante dans la classe.

Cet étudiant ou cette étudiante du 21e siècle change, et change beaucoup. Laissez-moi vous donner quelques exemples. Une jeune mère de famille de Montmagny veut s'inscrire à un Baccalauréat en administration des affaires. Elle le veut en partie par Internet, et en partie, une fois par semaine, en classe sur le campus. Si l'Université Laval ne peut répondre à ses attentes, elle fera comme toute cliente insatisfaite : elle ira obtenir ailleurs ce qu'elle recherche. Je pourrais multiplier par dizaines les exemples de situations de ce type : un jeune professionnel ayant besoin tout de suite d'une formation complémentaire, un ancien prêtre désirant entreprendre un troisième doctorat, une jeune Française de 13 ans dont le précoce talent l'amènera à l'Université Laval en septembre prochain…, etc.

S'adapter à des apprenants variés qui, en outre, cherchent à concilier le travail, les études et la famille fait donc partie du défi quotidien des universités. Cette adaptation, cette flexibilité dans l'offre de formation est une première clé de notre avenir. La formation " à la carte " et en temps réel devient pour nous un impératif catégorique. Je ne vous cacherai pas les difficultés rencontrées pour adapter notre offre de formation à ce type de demande, et donc pour modifier notre culture institutionnelle, mais je suis persuadé que nous n'avons pas le choix.

En effet, la formation traditionnelle, c'est-à-dire la formation initiale, en classe, de jeunes issus des collèges, notre pain et notre beurre depuis longtemps, va en décroissant, démographie oblige. En plus, les jeunes eux-mêmes changent. Ils ont accès à l'information, croient tout savoir, et remettent facilement en question l'autorité

Vous et moi avons fait notre apprentissage intellectuel dans un cheminement logique et linéaire. C'était la période dite rationaliste, qui a débuté avec la Renaissance et qui touche peut-être à sa fin. Grâce aux technologies, les jeunes d'aujourd'hui sont rendus à la pensée dite en arabesque, où l'idée de synthèse, ou même de logique, ne semble pas nécessairement un passage obligé, mais où la créativité est très accentuée. Comme l'écrit l'artiste et philosophe Hervé Fischer, " La révolution du numérique […] remettra en jeu les structures générales mêmes de la pensée humaine, l'esprit scientifique, l'économie, la politique, la vie privée et donc, aussi, l'art et la culture. " Dans ce contexte, le défi de l'enseignement supérieur consiste à aider ces jeunes à passer du stade de simples gestionnaires de l'information, ce qu'ils sont déjà plus que nous, à celui de gestionnaires de la connaissance.

Il faut donc adapter non seulement notre offre de formation pour répondre en temps réel aux besoins, mais aussi les méthodes de formation en fonction des multiples types d'apprenants afin que chacun réussisse son projet d'études et donne le meilleur de lui-même.

À cela, nous devons ajouter le phénomène du lifelong learning, de cet apprentissage permanent tout au long de la vie. L'explosion de la connaissance dans tous les domaines rend incontournable cette formation continue, très souvent à distance, non seulement dans le cadre de l'exercice des professions, mais au-delà. Dans une activité de formation dite sur mesure, par exemple, l'Université Laval forme les cadres en exercice du Réseau de la santé et des services sociaux. Nous offrons cette formation en vertu d'un contrat obtenu suite à un appel d'offres, parce que précisément nous avons adapté notre offre de formation aux personnes à qui elle est destinée.

En formation non créditée, nous offrons des cours dans tous les sujets du savoir au sein d'une Université du 3e âge de Québec qui s'autofinance entièrement, et qui attire annuellement des milliers de personnes simplement avides d'apprendre, et ce, à la grandeur du Québec. C'est aussi cela, s'adapter.

Et ce n'est pas tout. Pendant longtemps, l'université estimait avoir rempli sa tâche grâce à la seule transmission du haut savoir disciplinaire ou scientifique. Nos étudiants et leurs futurs employeurs attendent maintenant davantage de nous. L'université du 21e siècle a le défi de transmettre également le savoir-faire, ces compétences sans lesquelles la formation n'est pas complète.

Quelles sont ces compétences ? Essentiellement, c'est la capacité d'analyse et de synthèse, le travail d'équipe, la communication autant verbale qu'écrite, l'éthique, l'apprentissage d'une seconde, voire d'une troisième langue, la prise en compte des liens entre la science, la technologie et l'évolution de la société, l'ouverture concrète à une expérience internationale ou entrepreneuriale dans le cours des études, l'approche multidisciplinaire, etc. Au travers de tout cela, nous devrons aussi éviter la course à la surspécialisation : il faut d'abord apprendre à formuler les problèmes avant d'apprendre à les résoudre. Les universités qui rateront ce passage au savoir-faire seront vite identifiées comme telles par leurs clientèles diverses, et en paieront le prix.

Du côté de l'expérience internationale, je vous signale qu'aujourd'hui, ce sont près de 10 % de nos étudiants de 1er cycle qui effectuent un stage à l'étranger dans le cours de leurs études, alors que dans l'ensemble du pays, c'est seulement 1% des étudiants de 1er cycle qui, il y a deux ans, avaient cette chance. L'Université Laval n'est pas seule à agir ainsi. Toutes les universités québécoises, et je m'en réjouis, ont maintenant adopté ce virage international dans la formation de leurs étudiants et étudiantes, et c'est tant mieux.

Cette orientation repose sur des ententes négociées avec des centaines d'universités dans un nombre très élevé de pays afin d'encadrer adéquatement les séjours d'études de nos étudiants à l'international. Cela dit, nous ne pouvons nous contenter de ce que nous avons atteint jusqu'ici, et nous devrons faire plus, viser un objectif de 20, voire de 30 % de nos étudiants effectuant un séjour à l'international.

Mais atteindre cet objectif soulève la question du financement de cette mobilité étudiante, et là comme ailleurs, il nous faudra trouver les ressources appropriées, ce qui n'est pas le moindre de nos défis.
Autre adaptation intéressante de notre offre de formation, nous avons aussi introduit à l'Université Laval un profil entrepreneurial dans 20 de nos programmes jusqu'ici. Ce profil offre la possibilité à nos étudiants et étudiantes de démarrer virtuellement leur propre entreprise.
Enfin, s'adapter veut aussi dire généraliser l'utilisation des technologies de l'information dans la formation, et ce dont je parle, c'est bien plus que du simple achat d'un ordinateur. Les technologies de l'information ont toutes sortes d'impacts. Elles sont un catalyseur de réflexion et de renouveau pédagogique. Elles accroissent les possibilités de contacts entre le professeur et les étudiants.

Les technologies ont modifié la nature du contact entre les étudiants et les enseignants puisqu'elles imposent une accessibilité quasi permanente. Le traditionnel groupe/classe devient une communauté d'apprentissage et de collaboration, dont les activités se déroulent toute la semaine. Depuis le 1er juin dernier, nous offrons l'accès sans fil à Internet partout sur notre campus, et ce changement s'implante sur tous les campus universitaires.

En somme, l'avenir commande à nos établissements de devenir des universités multimodales, centrées sur l'apprentissage et la réponse aux besoins exprimés, et qui misent tout autant sur le savoir que sur le savoir-faire.

S'ouvrir

Mais ce n'est pas tout de s'adapter, et j'en viens à mon deuxième point. Les universités, pour connaître un avenir intéressant, doivent aussi s'ouvrir. Au-delà des réseaux naturels de leurs chercheurs, les universités doivent identifier des façons nouvelles et inédites d'entrer en relation avec leur milieu, leur ville, leur région, leur pays, et avec l'international.

La mission de l'université s'est considérablement élargie ces dernières décennies. La société attend beaucoup plus de nous. Par leur rôle de créatrices et de transmettrices du savoir, les universités sont au cœur des stratégies de développement régional, plus particulièrement dans les milieux de taille plus modeste.

À Saskatoon, la construction du Synchrotron à l'Université de Saskatchewan, le projet scientifique le plus ambitieux du gouvernement du Canada, a littéralement placé cette ville au cœur de la science la plus fondamentale et la plus appliquée et entraîne déjà de multiples retombées palpables. Un taux de chômage en mai de 4,6 % est déjà très éloquent. Et je ne parle pas des chambres d'hôtel additionnelles, des liaisons aériennes accrues pour accommoder les scientifiques attirés par ce Synchrotron qui est le 3e plus puissant au monde.

À Montréal, les quatre grandes universités veulent faire de la métropole la " ville du savoir ". À Québec, l'Université Laval est, depuis un quart de siècle, au cœur de la stratégie de la diversification économique du milieu, diversification qui semble réussir : en mai, notre taux de chômage était à 5,6 %, un des plus faibles au pays.

De fait, tout comme la réussite d'une entreprise suppose la satisfaction de ses clients, de ses employés et de ses actionnaires, de la même façon, la réussite de la mission universitaire suppose que les universités réussissent à satisfaire leurs étudiants, leurs employés et la société.

L'ouverture de nos universités est également essentielle pour être à l'affût des nouveaux besoins de formation qui émergent sans cesse, et pour y répondre rapidement. Lorsqu'on voit l'INSEAD implantée à Singapour, cela signifie que cette grande école de gestion française a identifié un besoin et qu'elle y a répondu.

Cette ouverture est indispensable pour bâtir les partenariats multiples qui sont la voie de l'avenir pour nos établissements. À Québec, l'Université Laval est devenue, depuis sept ans, un partenaire formel du Centre des congrès, du Musée de la civilisation, du Parc technologique, du journal Le Soleil, de la Ville de Québec, et j'en passe. Hier, nous avons signé une nouvelle entente formelle de partenariat, cette fois avec l'Assemblée nationale du Québec.

Toutes ces ententes comportent des clauses relatives aux stages de nos étudiants en cours d'étude. Au Québec et au Canada, nous avons quelque 17 000 entreprises partenaires pour les stages de nos étudiants et étudiantes et le placement de nos diplômés, et nous sommes à développer le volet international de ces stages.

Toujours dans le sens d'une plus grande ouverture, nous avons aussi voulu faciliter le passage sans pénalité des cégépiens du secteur technique vers les programmes universitaires grâce à des ententes avec de nombreux collèges du Québec. L'automne dernier, nous avons signé une autre entente avec les cégeps pour mieux arrimer la formation générale collégiale à la formation universitaire, notamment en sciences humaines, afin d'accroître les conditions de réussite des étudiants.

Au Québec, je le rappelle, l'enseignement supérieur désigne les cégeps et les universités, et je suis fier de dire que nous relevons le défi à la fois de l'arrimage avec les collèges et de la continuité dans le processus de formation. Pour ceux qui croient que le lien avec les collèges ne concerne que le Québec, je rappelle que le Rapport de Bob Rae en janvier dernier sur l'enseignement supérieur ontarien propose entre autres recommandations un net rapprochement entre les universités et les collèges de cette province.

Enfin, s'ouvrir, c'est aussi accueillir des étudiants étrangers, dont la seule présence est une richesse extraordinaire dans nos milieux universitaires. Au Québec, nous en recevons environ 20 000 annuellement. La majorité d'entre eux retournent dans leur pays d'origine, diplôme en poche, et deviennent nos ambassadeurs. Quand, en Europe ou en Afrique, des dirigeants d'entreprise, des hauts fonctionnaires ou des ministres sont diplômés de votre établissement, le contact s'en trouve considérablement facilité. Vous savez tous que les affaires, c'est d'abord une question de relations humaines… Les universités, pour connaître un avenir fécond, doivent donc s'adapter et s'ouvrir.

Devenir citoyen

S'adapter, devenir flexible, s'ouvrir aux autres et au milieu, c'est, en définitive, et c'est là mon troisième point, adopter un comportement de citoyen. J'avance devant vous ce concept d'université citoyenne. Vous et moi, nous savons que l'université, par sa capacité de création et de transmission de la connaissance, est importante pour le progrès de notre société. Mais il est devenu de plus en plus clair que notre bien-être collectif et notre prospérité sociale et économique dépendent directement de notre capacité à maintenir notre progrès scientifique et technologique. L'université citoyenne, je l'ai déjà indiquée, est adaptée, flexible et ouverte sur son milieu. Mais la société attend davantage.

Je crois en effet que, d'une part, l'université, lieu de création et de transmission de la connaissance, doit trouver des façons nouvelles pour rendre son savoir disponible aux citoyens au-delà de sa mission première de formation. Elle a un devoir de contribuer sans cesse à l'élévation du niveau général de connaissances dans la population, et d'imaginer des façons originales d'atteindre cet objectif. Pour nous, le défi est le suivant : comment rendre le savoir disponible à tous et à toutes et en tout temps ? Les gens d'affaires parmi vous savent que les consommateurs en demandent toujours plus. C'est également vrai dans le domaine de la connaissance.

Les universités doivent donc se soucier de rendre leur savoir accessible, notamment aux personnes vivant hors des grands centres. Cette problématique n'est pas que québécoise, elle concerne tout le Canada. Il ne suffit pas de dire que l'Internet rend tout possible. Encore faut-il que les universités prennent les différentes mesures qui, au sein de leur organisation, vont faire que leur savoir deviendra accessible au plus grand nombre partout.

D'autre part, les universités canadiennes ne pourront maintenir leur développement dans l'avenir qu'à la condition de demeurer des foyers intensifs de recherche fondamentale et appliquée. Dans tous les domaines, nous devons être conscients de l'impact chez nous des pays à l'économie dite émergente. C'est devenu un lieu commun de dire que nos entreprises ne pourront survivre que grâce à l'innovation, elle-même fruit de la recherche et du transfert de ses applications. Mais il faut réaliser qu'au plan de la capacité de recherche, les universités de Chine ou des Indes ont atteint maintenant une excellence qui alimente l'économie explosive de ces pays les plus populeux de la terre.

En février dernier à Washington, la doyenne du London Business School et ancienne conseillère économique du président Clinton, Madame Laura Tyson, signalait une nouvelle tendance, c'est-à-dire le déplacement d'emplois de très haut niveau, requérant par exemple des doctorats, vers des pays où la rémunération est moindre, comme l'Inde ou la Chine. Souvent, disait-elle, des étudiants étrangers ayant décidé de poursuivre leur carrière aux États-Unis, décident après quelques années de retourner dans leur pays d'origine et, ce faisant, vont du même coup accroître la capacité d'innovation de ces pays, ce qui augmente leur capacité concurrentielle.

Pour Madame Tyson, la réponse à cette tendance ne pouvait consister, dans nos sociétés nord-américaines ou européennes, que dans davantage de formation supérieure pour plus de gens, précisément afin de maintenir notre capacité d'innovation. Je suis d'accord. Pour les universités, la formation aux cycles supérieurs doit être enracinée dans la recherche fondamentale et appliquée. Mais l'université citoyenne devra aussi se soucier d'améliorer l'efficacité de ses mécanismes de transfert des applications de la recherche afin que celle-ci profite au plus grand nombre et permette à nos sociétés de demeurer concurrentielles.

Cette idée de l'université citoyenne mérite, je crois, plus ample réflexion. Mais elle a l'avantage d'indiquer une direction, et cette direction va dans le sens d'un arrimage accru avec les besoins sociaux, culturels et économiques de la société, d'une préoccupation constante pour le développement à tous égards de nos sociétés.

J'ai intitulé ma présentation : " quel avenir pour nos grandes universités canadiennes. " Les pistes que j'ai esquissées devant vous sont : l'adaptation obligée de la formation universitaire, l'ouverture accrue de nos organisations, et un rôle de citoyen pour nos universités.

Comme aucune université ne peut tout faire, nos universités devront faire des choix et accroître la collaboration entre elles. L'Université Laval a récemment adhéré au Pôle universitaire de la Montérégie constitué avec l'UQAM et l'Université de Sherbrooke, précisément dans le but d'offrir des services universitaires là où sont les gens, et non seulement sur nos campus. L'UQAM et l'Université de Montréal font de même à Ville de Laval. Et nous nous engageons dans le nouveau Pôle universitaire des Basses-Laurentides, comme nous le faisons depuis plus de 10 ans à Saint-Georges-de-Beauce avec l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Aux cycles supérieurs et en recherche, la collaboration interuniversitaire est déjà largement en place, essentiellement parce que les incitatifs financiers à cette collaboration existent. La recherche, de plus en plus, est non seulement multidisciplinaire, mais aussi interuniversitaire. Mais vous savez sans doute que les règles de financement québécoises font des universités de féroces compétitrices pour le recrutement étudiant, notamment au 1er cycle. La concurrence n'est pas malsaine, loin de là, surtout si elle se situe au plan de la qualité de l'offre de formation. Mais l'avenir nous commande de résoudre l'équation collaboration / compétition que l'on va vivre de plus en plus, bien sûr au plan québécois, mais aussi au plan national et au plan international. Au Québec, c'est le mode de financement qui rend la solution difficile à trouver. Dans le reste du monde, ce sont d'autres facteurs qui vont jouer sur cette équation collaboration / compétition. J'invite votre organisation à y réfléchir, car nous devons mieux connaître le " playing field " si nous voulons tirer plus que convenablement notre épingle du jeu.

Enfin, il y a un aspect central de la vie universitaire qu'on ne doit jamais perdre de vue, c'est celui de la liberté. Comme l'exprimait en 1998 le président de l'Université Stanford, Gerhard Casper dans un discours soulignant les 100 ans de l'Université de Pékin, " Academic freedom is the sine qua non of the university. "

Malgré les contraintes bien réelles auxquelles les universités font face, je veux, en terminant, vous dire à quel point je demeure optimiste. Je demeure optimiste en raison de la très grande capacité des universités canadiennes, et de ceux et celles qui y travaillent, à innover, à se remettre en question et à s'adapter. Je disais au début de mon allocution que les universités sont des institutions durables. Je le crois toujours, et dans mon métier de recteur, j'en suis témoin quotidiennement.

De gardienne des traditions, ce qui fut longtemps sa mission, l'université du 21e siècle est devenue aujourd'hui citoyenne au sein de son milieu et exploratrice du futur. C'est en acceptant cette nouvelle réalité et en s'ajustant à un contexte nouveau et changeant que les universités canadiennes pourront connaître l'avenir fécond permettant les développements dont toute notre société continuera de profiter.

***

En 1998, un groupe d'anciens présidents d'universités européennes et américaines se réunissait à Glion, en Suisse, pour réfléchir, comme nous le faisons ensemble aujourd'hui, à l'université du 21e siècle. Au terme de cet exercice, ce groupe publiait ce qu'il est convenu maintenant d'appeler la Déclaration de Glion.

En conclusion, j'aimerais vous citer un extrait particulièrement éloquent de cette déclaration : " Face au nouveau millénaire dans lequel nous entrons et dont nos enfants seront les héritiers, nous sommes en butte à un mélange déroutant de promesses et de menaces. D'un côté, la promesse se fait jour de progrès révolutionnaires dans les domaines de la biomédecine, des communications, des technologies de l'information, des sources d'énergie de substitution, des nouveaux matériaux, de l'automatisation ou encore de la mondialisation ; de l'autre, c'est avec une grande préoccupation que nous observons les menaces liées à la balkanisation, au tribalisme, au terrorisme, au sectarisme, aux inégalités nord-sud, à la faim, à l'équilibre complexe à trouver entre population, ressources et environnement, au défi lancé par le développement durable. Nous nous interrogeons sur les conséquences qu'auront tous ces éléments sur l'avenir des États-nations tels que nous les connaissons. Or, si l'équilibre entre promesses et menaces s'avère incertain, ce qui, en revanche, est absolument certain, c'est que la clé essentielle - quoique non exclusive - du bien-être de chacun dans ce monde nouveau et fascinant, c'est le savoir . " Fin de la citation. Et pour ma part, vous ne serez pas surpris que j'ajoute à cette clé du savoir, celle du savoir-faire.

En terminant, je veux remercier l'Institut C.D. Howe de l'occasion qui m'a été ainsi offerte de partager, en toute simplicité, ces quelques réflexions avec vous ici ce midi, sur l'avenir de l'enseignement post-secondaire canadien. Je suis bien sûr disposé à échanger avec vous sur les divers éléments que j'ai trop rapidement évoqués dans mon allocution.

Je vous remercie.

 
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