entete Université Laval

Allocution prononcée par monsieur Michel Pigeon,
recteur de l'Université Laval, à la remise d'un doctorat honorifiques
à M. Kenneth McRoberts,
le jeudi 30 septembre 2004, à 17 h 00,
au Théâtre de la Cité universitaire

Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le récipiendaire d'un doctorat honoris causa,
Messieurs les ministres,
Chers collègues administrateurs et professeurs,
Distingués invités,

L'année 2004 marque le 50e anniversaire de la fondation du Département de science politique de l'Université Laval, un département dont nous sommes extrêmement fiers.

50 ans, c'est un âge vénérable, certes. Mais il y a plus encore à souligner. Les 50 ans du Département de science politique, ce sont cinquante années qui ont marqué l'histoire des idées et de la réflexion politique au Québec. Ce sont cinquante années au cours desquelles le Département de science politique de l'Université Laval a évolué au rythme du monde. Ce sont cinquante années au cours desquelles, aussi, le monde a changé de visage, cinquante années de vie intellectuelle intense et féconde.

L'Université Laval et sa Faculté des sciences sociales profitent de cette occasion exceptionnelle pour décerner un doctorat d'honneur à une personne dont la carrière est un modèle et une source d'inspiration pour nous toutes et tous, Monsieur Kenneth McRoberts, principal du Collège universitaire Glendon de l'Université York de Toronto, et politologue reconnu pour sa magistrale contribution à la science politique offerte aux Canadiens et, particulièrement, aux Québécois.

Avant de retracer le parcours remarquable de ce grand penseur que l'Université Laval se réjouit d'accueillir parmi ses diplômés, ce que fera dans quelques instants M. Vincent Lemieux, professeur émérite au Département de science politique, permettez-moi de soumettre quelques éléments à votre réflexion.

Depuis la fin de la 2e Guerre mondiale, le visage politique, social et économique du monde a profondément changé. En même temps que se les rapports Est/Ouest et Nord/Sud subissaient les mutations que l'on connaît, un nouveau rapport au monde s'installait, en raison du développement fulgurant des nouvelles technologies de l'information et des communications.
Bien sûr, il y a l'ordinateur qui commence à entrer dans les foyers dans les années 1980, mais aussi le fax, la vidéo, la fibre optique, le numérique, les communications par satellite, le téléphone cellulaire, et surtout Internet, innovation technologique du dernier siècle par excellence, Internet qui allait révolutionner le monde de la communication et de l'information à partir des années 1990.

Aujourd'hui, il est très difficile d'imaginer un monde qui ne soit pas à notre portée par un "clic" de souris. De fait, je me demande si la génération des étudiants et étudiantes actuelles de l'Université Laval comme du Collège Glendon peut imaginer un monde où Internet n'existerait pas.

Nous vivons à l'heure de l'instantané, dans un monde où les frontières économiques sont de plus en plus perméables, dans un monde où les rapports entre les individus et les groupes sont à la fois transnationaux et transculturels.

Car la mondialisation - appelons-la par son nom - est d'abord un concept économique qui concerne l'ouverture des marchés, mais elle est aussi le fruit d'un phénomène corollaire, celui de la mise en place d'une économie mondiale de l'information et du savoir qui allait permettre la diffusion planétaire de valeurs politiques et culturelles les plus diverses. Tout cela n'est pas sans incidences sur nos sociétés - et sur leur gouvernance politique, comme vous le savez. Il n'est jamais inutile de rappeler cette citation de Bismarck et je cite : " La politique n'est pas une science exacte comme se l'imaginent beaucoup de professeurs, mais un art. " Fin de la citation.

Comme tous les autres acteurs sociaux, l'université du 21e siècle fait face à ces formidables changements. D'une part, les étudiants ne sont plus seulement de jeunes diplômés fraîchement sortis des collèges ou des écoles secondaires. Aujourd'hui, on doit absolument tenir compte de ceux et celles qui, à tout moment de leur vie ou de leur carrière, décident de se perfectionner, de mettre à jour leurs connaissances ou de poursuivre des études supérieures. De plus, l'usage de plus en plus généralisé de l'Internet vient singulièrement modifier la relation au savoir. L'auto-apprentissage et la formation continue à vie sont des notions dont on commence à peine à mesurer les pleins effets sur la réalisation quotidienne de la mission universitaire.

D'un autre côté, celui de l'enseignement supérieur, les établissements traditionnels d'enseignement supérieur n'ont plus leur monopole de jadis en matière de connaissance et d'expertise. L'expansion de l'enseignement supérieur à l'échelon international s'est traduite par une augmentation du nombre de lieux potentiels où s'effectue une recherche d'une qualité manifeste. De plus, nombre d'entreprises et de consortiums nationaux et internationaux, publics et privés, offrent aujourd'hui des programmes de formation. Nous ne pouvons que constater une nette tendance vers l'émergence d'un marché de l'enseignement supérieur.

Aujourd'hui, plus que jamais donc, l'université fait face à une réalité qui lui commande de redéfinir et d'actualiser son rôle, sa fonction, sa place dans l'espace de la production et de la diffusion des savoirs et ce, sans trahir sa mission. L'institution universitaire est à un tournant de son histoire, et il lui faut savoir prendre comme il faut le virage qui s'impose. Il lui faut s'adapter, s'ajuster, se positionner afin de répondre adéquatement aux nouveaux besoins en matière de haut savoir. La formation continue et la formation à distance sont exemplaires du type d'actions à entreprendre à cet égard, tout comme les efforts d'ouverture réelle au milieu et de transfert des fruits de la recherche.

Mais il y a plus. L'évolution, j'allais dire l'accélération de l'histoire, présente d'autres défis à l'enseignement supérieur. Le contexte actuel demande qu'on observe les mouvements qui balaient la planète d'un oeil critique et éclairé. Il est essentiel que l'université transmette un savoir qui rassemble et organise les connaissances; un savoir qui permette la compréhension globale des phénomènes sociaux, politiques, économiques et culturels. C'est là où la recherche prend toute son importance.

C'est là, aussi, où on comprend la nécessité d'offrir une formation enracinée dans la recherche. Car, en définitive, la connaissance est encore le meilleur moyen pour réduire les inégalités sociales et favoriser la vie démocratique. On ne le dira jamais assez : l'accès à la connaissance mène à la citoyenneté responsable. Comme l'a déjà dit Ernest Renan, et je cite : "La science restera toujours la satisfaction du plus haut désir de notre nature, la curiosité; elle fournira à l'homme le seul moyen qu'il ait pour améliorer son sort. Elle préserve de l'erreur plutôt qu'elle ne donne la vérité ; mais c'est déjà quelque chose d'être sûr de n'être pas dupe."

L'université doit veiller à l'avancement et à la diffusion du savoir, par l'enseignement, par la recherche et par le transfert de connaissances à la société dont elle est partie prenante. Une université est un lieu où le savoir se construit, se transmet et se remet en question. Mais ce lieu ne saurait exister dans sa pleine mesure sans ceux et celles qui le font vivre par leur enthousiasme, par leur talent, par leur engagement personnel et professionnel au service de la science et au service de la société.

Enfin, je veux terminer cette brève réflexion avec un brin d'optimisme. En effet, au milieu de tous ces changements, de toutes ces transformations, il demeure intéressant de se rappeler que de toutes les institutions qui existaient dans le monde occidental en 1520, il n'en reste aujourd'hui que quatre-vingt-cinq : l'Église catholique, les Parlements de l'île de Man, d'Islande et de Grande-Bretagne, plusieurs cantons suisses, et quelques soixante-dix universités. On le voit, l'université a très bien su s'adapter au cours des cinq derniers siècles, et je vous réitère ma plus profonde conviction qu'elle continuera à le faire avec succès à l'avenir, toujours au service de la transmission et du développement de la connaissance pour tous.

Monsieur McRoberts, vous incarnez ces valeurs universitaires qui sont les nôtres. Je me fais le porte-parole de toute la communauté universitaire pour exprimer notre fierté de compter parmi nous un chercheur et un penseur de votre calibre. L'Université Laval est fière de rendre un vibrant hommage à l'excellence de votre œuvre et à votre contribution extraordinaire au domaine des sciences politiques. C'est un honneur pour nous de vous accueillir parmi nos diplômés.

Je vous remercie.

 
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