entete Université Laval

Allocution de M. Michel Pigeon, recteur de l'Université Laval,
à l'ouverture du colloque international Codes et codification,
le dimanche 19 septembre 2004, à 17h00,
au Grand Salon du pavillon Maurice-Pollack

Monsieur le premier Président,
Monsieur le Consul général de France,
Monsieur le Délégué de Wallonie-Bruxelles,
Monsieur le Vice-recteur de l'Agence Universitaire de la francophonie,
Monsieur le président de l'Association Henri Capitant
Monsieur le Doyen de la Faculté de droit,
Madame la Présidente du comité scientifique,
Chers collègues, chers étudiants et étudiantes
Mesdames et Messieurs,

C'est avec grand plaisir que je prends la parole ce soir pour souhaiter la plus cordiales des bienvenues à toutes les personnes venues participer aux travaux du colloque international Codes et codification. J'adresse des salutations particulières aux nombreux participants et participants venues de l'extérieur et d'outre-mer : bienvenue à l'Université Laval, bienvenue à Québec.

C'est un honneur pour l'Université Laval d'être l'hôte d'un colloque d'une telle envergure et de s'associer aux activités soulignant le bicentenaire de la promulgation du Code civil des français et le 10e anniversaire de l'adoption du nouveau Code civil du Québec. Nous somme aussi fiers de célébrer cette année le 150e anniversaire de l'arrivée des premiers étudiants à la Faculté de droit de l'Université Laval.

Une telle convergence commandait d'être soulignée avec éclat. Car le Code civil est la source première de tout le droit privé, certes, mais il est aussi beaucoup plus. Le Code civil est non seulement une loi unique qui s'applique également à tous les citoyens d'un État, mais il est aussi un système de régulation des rapports sociaux, dans tous les aspects de la vie courante, de la naissance au décès. Sa portée va donc bien au-delà du domaine strictement juridique : les lois civiles sont le reflet d'un système de valeurs qu'une société s'est donnée. Comme l'a si bien dit Portalis dans son célèbre Discours préliminaire sur le projet de Code civil du 1er pluviose de l'an IX, et je cite :

" Elles atteignent chaque individu, elles se mêlent aux principales actions de la vie, elles le suivent partout ; elles sont souvent l'unique morale du peuple, et toujours elles font partie de sa liberté : enfin, elles consolent chaque citoyen des sacrifices que la loi politique lui commande pour la cité, en le protégeant, quand il le faut, dans sa personne et dans ses biens, comme s'il était, lui seul, la cité tout entière. "

Ne l'oublions pas, le Code civil des français, qui est pour beaucoup l'ancêtre de notre ancien Code civil du Bas-Canada - et donc de notre nouveau Code civil du Québec - est une œuvre collective. Il est issu d'une société qui a aboli la monarchie et mis fin à l'arbitraire en se dotant de manière démocratique d'une loi universelle qui posait les assises d'un modèle de société plutôt neuf : abolition des droits féodaux et fin des privilèges de la noblesse d'une part, mais surtout : égalité des citoyens devant la loi, fin du droit d'aînesse (et fragmentation des fortunes familiales), sécularisation du mariage, laïcisation du droit, libre disposition des biens, liberté de contracter, acceptation du divorce (sous certaines conditions, bien sûr), légalisation de l'adoption, et j'en passe....

Et cette loi semble avoir été relativement bien adaptée à la société civile française : le Code Napoléon a tout de même survécu, avec nombre d'ajustements bien entendu, à deux empires, deux royautés, et quatre républiques... Et il a, de plus, essaimé dans de nombreux pays, dont le nôtre. Napoléon lui-même en serait fort heureux…

Il y a donc tout lieu de célébrer. Toutefois, l'histoire de la codification des lois française et québécoise nous montre combien les lois civiles touchent à des valeurs hautement névralgiques, pour ne pas dire explosives. Elle nous fait voir à quel point nos codes de loi sont la résultante de débats, de consultations et de compromis.

Je songe ici particulièrement aux projets de Cambacérès qui prévoyait pour la France en 1793 le divorce par consentement mutuel, l'abolition de l'incapacité de la femme mariée, l'adoption d'enfants par des personnes seules et des deux sexes, l'attribution de droits aux enfants naturels, et l'égalité successorale entre les enfants...Tout cela à la fin du 18e siècle ! Plusieurs de ces dispositions, révolutionnaires pour l'époque, disons-le, ont alors été largement fustigées et ensuite tempérées, sinon laissées de côté. Cette fois, il faut croire que le législateur était en avance sur son temps!

J'aime d'ailleurs penser que certains de ces sujets attisent encore les passions quand nos législateurs mettent des projets sur la table, comme c'est le cas en matière de mariage et d'adoption chez nous aujourd'hui. Cela donne raison à la célèbre formule de Portalis: "les codes des peuples se font avec le temps ; mais, à proprement parler, on ne les fait pas".
Par contre, en d'autres occasions, on observe un décalage entre l'état du droit et l'état de la société. Dans tous les cas, la discussion est de mise. Et c'est ce que vous allez faire au cours de cette importante rencontre qui réunit des professeurs, des chercheurs et des étudiants de haut calibre. Dans vos échanges, vous allez couvrir un terrain extrêmement vaste, qui va de la codification comme instrument de dialogue, à l'actualisation des codes, en passant par les aspects culturels et normatifs de ces lois. Vous mettrez même en question la pertinence de la codification. Vos travaux seront un apport précieux à l'étude du droit civil contemporain.

Il est temps de conclure et de vous laisser plonger dans vos travaux, que vous êtes sûrement impatients de débuter. Toutefois, avant de terminer, je félicite les membres du Comité d'honneur, les membres du Comité scientifique de même que les organisateurs et organisatrices de ce colloque qui ont investi temps et énergie pour faire de ces journées une réussite. Je remercie également tous les nombreux partenaires qui ont contribué financièrement à la tenue de cet important événement.

Vous me permettrez d'ajouter à mon propos une petite note personnelle, que certains connaissent déjà : la tenue de ce colloque revêt une signification toute particulière pour moi; je suis fils de juriste et père d'une avocate. Il semble qu'une étrange mutation génétique m'ait entraîné vers le génie, mais, vous pouvez le deviner, la culture juridique me passionne aussi...

Je vous souhaite des échanges féconds, une excellente semaine, un bon séjour parmi nous et aussi un séjour agréable à Québec. Je vous remercie.

 
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