entete Université Laval

Allocution prononcée par M. Michel Pigeon, recteur de l'Université Laval, à la remise d'un doctorat honorifique à M. Axel Kahn, le mercredi 19 février 2003, à 17 h 30, à la salle Jean-Paul-Tardif du pavillon La Laurentienne

Monsieur le Récipiendaire d'un doctorat d'honneur,
Mesdames les Vice-Rectrices, Monsieur le Vice-Recteur,
Monsieur le Président des Grandes Fêtes de l'Université Laval,
Mesdames les Doyennes, Messieurs les Doyens,
Distingués invités,

Nous sommes réunis aujourd'hui pour la remise d'un doctorat d'honneur à M. Axel Kahn, généticien et directeur de l'Institut Cochin de génétique moléculaire. Mais avant de parler de cet homme remarquable, permettez-moi de vous expliquer brièvement le contexte particulier de cette cérémonie.

L'Université Laval décerne généralement des doctorats d'honneur au moment des collations de grades, au printemps, plus précisément au mois de juin. Or, cette année, elle déroge à ses habitudes, car elle commémore en 2002 et 2003 deux étapes marquantes de son existence : le 150e anniversaire de l'octroi de sa charte par la reine Victoria en 1852 et le 340e anniversaire de la fondation de l'institution qui lui a donné naissance, le Séminaire de Québec, en 1663.

Dans le cadre de ces Grandes Fêtes, toute une série d'activités ont été organisées pour souligner le riche héritage de notre université, faire connaître les différents volets de sa mission et ses projets de développement. Le colloque sur les biotechnologies s'inscrit dans la programmation des Grandes Fêtes, et il laisse une place importante au questionnement éthique. C'est pourquoi nous avons décidé de décerner un doctorat honoris causa à un médecin et biologiste dont l'influence dans le domaine de la génétique et de la bioéthique a été et est toujours prépondérante.

Je veux donc dire ma fierté d'accueillir, parmi la grande famille des diplômés de l'Université Laval, M. Axel Kahn qui, tout au long de sa vie, a gardé au centre de ses préoccupations le savoir génétique, les espoirs de guérison qu'il soulève, mais aussi les dérives auxquelles peuvent conduire les applications de ce savoir entre des mains utilitaristes.

Dans la tourmente de la fin de décembre dernier, les interventions du professeur Kahn ont eu un effet rassurant dans le désarroi où nous avait laissés l'annonce de la naissance du premier bébé cloné.

Cet événement soulève en effet les craintes les plus légitimes, mais les progrès de la génétique suscitent bien d'autres questions aussi déroutantes les unes que les autres, notamment en ce qui a trait au clonage thérapeutique et à la médecine prédictive.

Qui seront les bénéficiaires des nouvelles découvertes? Serons-nous obligés de les choisir? Sommes-nous en train de réhabiliter l'idée d'eugénisme?

Questions déroutantes parce qu'elles comportent des dimensions éthiques. L'être humain s'arroge désormais le droit non seulement de soigner mais aussi de modifier l'espèce humaine. C'est l'avenir même de notre société qui est en jeu. C'est l'avenir même de ce qu'est l'être humain, de ce qu'est un être humain, qui est en jeu.

Comme Axel Kahn le dit dans l'un de ses livres, en recherche, "la compétition internationale s'est durcie. Elle récompense ceux qui arrivent les premiers dans l'explication des phénomènes ou dans la fabrication des produits." L'ampleur des intérêts économiques en présence peut fort bien entraîner la mise au rancart des considérations éthiques. Or, le professeur Kahn rappelle souvent le premier principe d'Emmanuel Kant : "il faut faire en sorte que l'être humain ne soit jamais un moyen mais une fin." Nous vivons collectivement un moment important de l'évolution des pratiques médicales, et notre société a un impérieux besoin de chercheurs-philosophes comme Axel Kahn.

Ces quelques mots ne font hélas! qu'effleurer les qualités et les réalisations du Dr Kahn, et je laisserai à M. François Pothier, professeur au Département des sciences animales de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval, le soin de retracer l'itinéraire impressionnant de M. Kahn dans quelques instants.

Je crois sincèrement que notre université s'enrichit en comptant parmi ses docteurs honoris causa ce scientifique reconnu sur la scène internationale par sa rigueur, son courage et sa détermination à préserver la dignité de l'être humain.

Décerner un doctorat honorifique, c'est bien sûr souligner le caractère remarquable de la carrière d'une personne. Mais c'est aussi fournir à nos diplômés des modèles qui pourront les inspirer au cours de leur vie professionnelle et personnelle. Je n'hésiterai pas à inciter les étudiants de l'Université Laval à suivre les pas du professeur Axel Kahn, lui qui défend à la fois le progrès scientifique et la réflexion philosophique sur ce progrès, lui qui soutient la liberté du chercheur scientifique tout en insistant sur les limites de cette liberté, lui qui, enfin, a le souci d'informer le grand public sur les enjeux réels du génie génétique et de ses applications.

Cher Monsieur Kahn, je souhaite que cette marque de reconnaissance soit pour vous un encouragement à poursuivre vos recherches et vos interventions si nécessaires pour affronter les bouleversements qui agitent notre monde.

Je vous remercie.

 
visitez
ulaval.ca
© 2009 Université Laval, tous droits réservés