entete Université Laval

Allocution du recteur de l'Université Laval, M. François Tavenas, sous le thème " Une société ouverte et cosmopolite : le défi d'une génération pour les citoyens de la nouvelle ville et région de Québec " au Colloque de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain tenu le mercredi, 27 février 2002, à midi, à l'Hôtel des Gouverneurs de l'Arrondissement Sainte-Foy de la Ville de Québec.

Madame la présidente de la Chambre de commerce de Québec,
Distingués invités de la Table d'honneur,
Mesdames, Messieurs les participants et panélistes à ce colloque,

Je suis très heureux d'avoir été invité à échanger avec vous sur une problématique qui me tient particulièrement à cœur, l'accueil des immigrants qui choisissent de s'établir ici, à Québec. Je suis impressionné de la participation que je constate, une participation qui indique que nous sommes nombreux dans la région à nous préoccuper de la gestion et de l'intégration des ressources immigrantes dans notre milieu urbain et régional.

Je regrette de n'avoir pu passer toute la matinée avec vous. Ce que j'ai entendu de la table ronde de tantôt m'a impressionné aussi bien par la pertinence des questions que par la clarté des propos. Vous me permettrez de féliciter mon collègue Michel Audet qui a dirigé la superbe étude qui a servi de base à ce colloque. Je me réjouis de voir ainsi s'accomplir de belle façon la mission de l'Université Laval dans son milieu.

Enfin, je félicite les organisateurs de ce colloque qui va nous permettre de faire progresser la réflexion sur un thème essentiel et nous aider à poursuivre les changements culturels et organisationnels nécessaires pour attirer dans notre région un nombre croissant d'immigrants et nous permettre de compenser les effets d'une démographie locale déclinante. C'est en effet ainsi que nous pourrons assurer à la région de la Capitale nationale la vitalité sociale, culturelle et surtout économique dont elle a besoin.

Avant d'aborder le cœur de mon propos, je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte pour féliciter la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain, de même que les deux Chambres de Beauport-Côte-de-Beaupré et de Charlesbourg-Chauveau, du geste de fusion volontaire qui vient d'être annoncé et qui sera formalisé en juin prochain. À l'heure où notre région et notre ville dessinent à larges traits les grandes voies du développement économique concerté, je ne peux que me réjouir de ce pas important vers une concertation accrue d'acteurs économiques et sociaux essentiels que sont les chambres de commerce.

Lorsque le représentant de la Chambre a contacté mon bureau pour m'inviter à prendre la parole ici ce midi, il y a de cela quelques semaines, il a dit vouloir inviter le recteur de l'Université Laval " qui est lui-même un immigrant qui a assez bien réussi", a-t-il ajouté.

De fait, après avoir terminé mes études d'ingénieur à Lyon, Aachen et Grenoble, je suis arrivé au Québec en 1966 pour y pratiquer le génie-conseil. Ma spécialité étant la mécanique des sols, j'ai travaillé pour une firme d'ingénieur et j'ai participé à de nombreux projets qui marquent le Québec et la région : aménagement de la Rivière Saint-Charles, Autoroute Dufferin-Montmorency, Pont sur le Saguenay à Chicoutimi; j'ai aussi sondé à peu près tous les terrains où sont construites aujourd'hui les écoles polyvalentes de l'Est du Québec.

J'ai appris à aimer ce pays dans toutes ses facettes et toutes ses régions. En 1968, les obligations militaires françaises m'ont amené à réorienter ma carrière de façon déterminante, étant affecté à titre de coopérant militaire au département de génie civil de l'Université Laval. J'ai découvert et adopté le métier de professeur et de chercheur et c'est avec enthousiasme que j'ai accepté, à la fin de mon service militaire en 1970, l'offre de l'Université de devenir professeur et chercheur au Département de génie civil de l'Université Laval.

J'ai eu alors le bonheur de travailler avec un collègue, Pierre La Rochelle, qui m'a introduit immédiatement dans les cercles québécois et canadiens de la géotechnique. J'ai ainsi eu le privilège d'être impliqué très rapidement dans des activités professionnelles excitantes qui m'ont situé au cœur de l'action locale et nationale : expertise sur le glissement de St-Jean-Vianney, membre du groupe d'expert sur la Baie James pour Hydro-Québec puis la SEBJ, membre du comité associé sur la géotechnique du Conseil national des recherches du Canada, membre du comité de rédaction du Code national du bâtiment, etc. Bref, je me suis retrouvé rapidement intégré dans les milieux professionnels québécois et canadiens.

J'ai demandé et obtenu la nationalité canadienne le 15 juillet 1971, parce que j'avais déterminé que je voulais faire carrière dans ce pays capable d'offrir de belles perspectives de réalisation personnelle à quiconque veut investir énergie, temps et créativité. Je n'ai jamais regretté ce choix… et je dois avouer que j'ai été choyé par le cours des choses qui fait que je me retrouve aujourd'hui dans une position où je peux rendre aux Québécois et à notre société un peu des bénéfices auxquels ils m'ont donné accès durant toute ma carrière jusqu'ici. Cette histoire personnelle sur laquelle je ne veux pas m'étendre, et mes expériences personnelles et professionnelles subséquentes, m'ont cependant appris un certain nombre de choses que j'aimerais partager avec vous ce midi autour de la thématique de ce colloque.

En effet, pour traiter du thème que vous m'avez suggéré, soit " Une société ouverte et cosmopolite : le défi d'une génération pour les citoyens de la nouvelle ville et région de Québec ", je voudrai rappeler certains faits à propos de notre région elle-même. Puis, je dirai un mot de la difficulté de l'intégration de tout immigrant à la société québécoise. Enfin, au risque de répéter des choses qui ont déjà été dites, je vous ferai part de ma vision de la place de l'immigrant au sein de notre nouvelle ville de Québec.

La région

Un mot de notre région. De sa démographie d'abord, et de son " tricot ", au sens de " tricoté serré ", ensuite. Démographie d'abord. À cet égard, les données sont très inquiétantes. Les Québécois de toutes origines ne se reproduisent plus assez. Nous sommes passés en moins d'une génération de familles très nombreuses à des familles qui ont moins de deux enfants par couple. Une des conséquences dramatiques de cette situation de dénatalité est que d'ici 25 ans, au lieu d'avoir 5 personnes actives pour en supporter une inactive, il n'y aura que moins de trois personnes actives pour supporter une personne inactive. Avec une telle évolution démographique, nous allons devoir nous relever sérieusement les manches et accroître de façon dramatique notre productivité collective si nous voulons maintenir notre niveau de vie et notre place dans le concert des nations les plus développées.

Autre conséquence. Lorsqu'on regarde les statistiques du recensement de 1996, on découvre que parmi les 10 centres urbains les plus importants du Canada, la Région métropolitaine de recensement de Québec, la RMR, compte la proportion la plus faible non seulement au Québec, mais dans l'ensemble du pays du groupe " des moins de 15 ans " qui ne représentent que 17,5% de la population totale . Pour le Canada, cette proportion est de 20,5 %. Il n'y a pas assez d'enfants. Ces " moins de 15 ans ", c'est notre relève, notre avenir puisqu'ils seront dans 10 ou 15 ans les acteurs du développement économique, social et culturel. Si rien n'est fait, il n'y aura tout simplement pas assez de personnes pour combler les besoins de main-d'œuvre, alors même que, en parallèle à la fonction gouvernementale, les trois piliers du redéploiement économique de notre région, les industries de haute technologie, le tourisme et les industries de la culture sont des secteurs dont le développement dépend directement d'une main d'œuvre abondante et, pour beaucoup, hautement qualifiée.

Pour nous, à l'Université Laval, cette situation pose un défi particulier, celui du maintien de notre vitalité par le maintien de notre population étudiante. En effet, des données récentes du Ministère de l'Éducation indiquent, pour les régions de Québec et Chaudière-Appalaches, que de 1994-95 à 2000-2001, le nombre de finissants au cégep général, donc de futurs étudiants universitaires, a chuté de 13,2%. Les mêmes chiffres indiquent que cette chute serait de l'ordre de 25,6% en 2005-2006. Ce n'est pas pour rien que nous nous sommes résolument orientés, depuis 1998, vers l'élargissement de notre bassin de recrutement et, surtout, vers l'accroissement du nombre d'étudiants internationaux inscrits à l'Université Laval : il y va du maintien de notre situation relative dans les réseaux universitaires québécois, canadiens et internationaux.

Donc, la démographie ne nous est pas favorable et même, menace nos acquis. En même temps, et c'est la seconde mauvaise nouvelle, notre région n'hérite que d'une proportion très congrue des immigrants et immigrantes qui choisissent de s'installer au Québec. En effet, si 9,3 % de la population du Québec est de provenance immigrante, si 17,6 % de la population de Montréal est immigrante, ici, à Québec, cette proportion tombe à 2,6 %.

Cette faible proportion de population immigrante dans notre milieu a toutes sortes de conséquences, mais celle qui nous intéresse peut-être le plus ici ce midi, c'est, encore une fois, la pénurie de main-d'œuvre qualifiée que cette situation et ces données annoncent, parce que même au chapitre de l'immigration projetée, on ne constate pas de changements profond dans les tendances déjà connues.

Nous avons donc besoin d'immigrants. Comment les attirer, les intéresser, les intégrer au tissu économique et social de notre milieu, voilà des défis majeurs pour nous tous. Pour les intéresser et les attirer, il faut les rejoindre, et les gouvernements du Québec et du Canada font, je crois, un bon travail à cet égard. Mais je voudrais signaler aux entreprises qu'elles gagneraient à utiliser l'ensemble des outils nécessaires disponibles, dont cet outil de plus en plus universel de recrutement qu'est Internet, et à cet égard, je crois que nous ne faisons pas tout ce qu'il faut.

À ma demande, une étudiante a fait une rapide recherche sur le site d'emploi " Monster.com ". Ce site offrait 1 million d'emplois dans le monde il y a quelques jours, dont 25 000 au Canada, 1 800 au Québec, 830 à Montréal et… 25 seulement à Québec. Il y a là un instrument de rayonnement et de recrutement qui est manifestement sous-utilisé.

Cette étudiante a aussi constaté que sur le guichet d'emploi du ministère des Ressources humaines du Canada, il y avait presque 1 000 emplois offerts dans la région de Québec, mais en gros, ce sont des emplois demandant peu de qualifications (par exemple des emplois de plongeurs, de manutentionnaires, etc.) On se trouve peut-être en face d'un paradoxe ici : la porte d'entrée des immigrants à Québec est largement l'Université Laval qui forme des professionnels, mais l'offre publique d'emploi qualifiée semble faible.

Je viens de mentionner l'Université Laval. Michel Audet le rappelle dans son étude : s'il y a un endroit dans la région de Québec où on peut percevoir une réalité multiethnique, c'est bien le campus de l'Université Laval. " Une société ouverte et cosmopolite ", c'est déjà une réalité sur notre campus et dans ses environs immédiats. Notre université a largement bénéficié de l'apport de professeurs immigrants tout au long de son développement. Elle continue de recruter ses professeurs partout dans le monde, qu'il s'agisse de professeurs d'origine étrangère ou de québécois qui sont allés faire des études doctorales et post-doctorales à l'étranger et qui décident de revenir ici malgré l'attrait des universités d'autres pays avec lesquelles nous sommes tous les jours en concurrence directe. Si l'Université Laval est aujourd'hui dans le groupe de tête des grandes universités de recherche du Canada, c'est beaucoup parce qu'elle a su accueillir et intégrer des professeurs venant de tous les coins du monde.

L'Université Laval c'est aussi un bouillon de culture de l'ouverture internationale par sa population étudiante. Nos 2,900 étudiants internationaux forment la principale cohorte multiculturelle dans la région, amenant avec eux, ouverture d'esprit, diversité culturelle et une vie collective animée. Et lorsque nos étudiants quittent l'Université diplôme en poche, ils constituent cette main-d'œuvre qualifiée dont les entreprises publiques et privées d'ici ont tant besoin. Cela s'applique tout autant à nos étudiants étrangers, dont une partie choisit de demeurer ici pour poursuivre leur vie et leur carrière.

Une façon peu coûteuse d'accroître l'immigration ici, c'est donc probablement de chercher à bien intégrer les étudiants étrangers actuels dans notre tissu social, de façon à en intéresser un certain nombre à choisir Québec.

À l'Université, depuis deux ans, nous offrons une formation spéciale dans le but de faciliter les démarches de recherche d'emploi des diplômés universitaires immigrants reçus ou résidents permanents. Cette formation est d'une durée de trois jours et elle est très appréciée, car nous avons ajusté notre intervention en fonction de leurs besoins et des résistances possibles des entreprises potentielles confrontées à des valeurs différentes.

La difficulté de l'intégration

Je vous ai dit que je vous parlerais de la difficulté de l'intégration de tout immigrant à la société québécoise. Bien sûr, pour beaucoup d'entre eux, il y a la question de l'apprentissage de la langue et des mœurs locales. Mais il y a infiniment plus, car ils doivent réapprendre à vivre et à s'intégrer dans une nouvelle société. Et cela commence par l'accueil.

À l'Université Laval, même si, en principe, les étudiants étrangers ne viennent que pour quelques années, la problématique est la même que pour le reste de la société. Pour cette raison, notre accueil aux étudiants étrangers est une opération sophistiquée, où, pour aider des étudiants provenant de 70 ou 80 pays différents à poursuivre ici leurs études, nous cherchons à les informer sur tout ce dont ils ont besoin pour fonctionner rapidement dans notre milieu.

C'est ainsi que dès leur arrivée, on les informe sur la façon de rejoindre ambassades et consulats des pays étrangers, sur le transport en commun, sur les buanderies, les pharmacies ou les épiceries spécialisées dans l'importation de produits étrangers. On doit leur apprendre comment se procurer les documents officiels tels Carte d'étudiant international ou Carte d'étudiant avec photo. On leur pointe du doigt les lieux où ils peuvent s'inscrire à des cours de langues, se procurer des lexiques d'expressions québécoises, des livres usagés ou des transformateurs pour protéger leurs objets électriques ou électroniques. On les informe aussi, bien sûr, sur la manière de maîtriser l'hiver et d'apprendre à en profiter. On doit aussi les informer sur les congés fériés, sur les emplacements des guichets automatiques, sur le logement temporaire, sur les marchés publics, sur quoi faire en cas de perte du permis de séjour, sur les règles pour faire une visite aux États-Unis.

Cette énumération concrète et très incomplète de l'accueil que nous faisons illustre le soin que nous mettons à faciliter l'intégration, même pour un trimestre ou une couple d'années de tout étudiant étranger à notre organisation et au milieu ambiant. Je conçois mal que l'on fasse moins pour tout immigrant que l'on désire accueillir et intégrer dans une entreprise d'ici.

Le défi de l'intégration des immigrants est une médaille à deux côtés. L'immigrant doit faire l'effort pour s'intégrer, bien sûr. Mais il ne réussira pas si le milieu d'accueil ne fait pas son bout de chemin. Pour nous, à l'Université, c'est une leçon apprise et acquise. L'augmentation régulière de nos étudiants étrangers, qui sont passés de 2 507 en 1997 (ou 6,8% de notre population totale) à 2 886 en 2001 (soit 8% de notre population totale) témoigne du succès de nos efforts en ce sens. Nous maintenons notre objectif d'atteindre un nombre d'étudiants étrangers qui représente 10% de notre population étudiante totale.

Ce qui est vrai à l'Université pour l'accueil des étudiant internationaux devrait l'être pour les immigrants qui choisissent de s'établir ici. Nous ne réussirons pas l'intégration si nous n'envisageons pas de guichet unique pour les recevoir et les accueillir, de matériel d'information adapté et multilingue, d'activités de parrainage. L'effort de la région ou d'une entreprise doit être aussi grand que, proportionnellement, l'effort qualitatif que nous faisons sur le campus. Je le dis, car l'intégration à la société québécoise est difficile.

Les pistes d'action pour la région à cet égard peuvent être nombreuses, mais la première est sans doute de faire en sorte que notre région et ses extraordinaires qualités soient connues entre autre des organismes qui s'occupent du recrutement et de l'accueil des immigrants. Je ne pense pas juste aux gouvernements du Québec ou du Canada. Je pense aussi aux organismes et aux communautés culturelles de la région de Montréal qui s'Impliquent dans l'accueil, et qui, comme beaucoup d'organismes de la métropole, ont peine à imaginer que les autres régions du Québec existent… La Chambre de commerce de Lévis mène une belle action à cet égard, pour faire en sorte que les organismes montréalais n'agissent pas comme des filtres trop imperméables, mais plutôt qu'ils deviennent partenaires des régions comme la nôtre.

La société québécoise - je parle ici de la région de Québec - est une " société tricotée très serrée." Un de mes sujets principaux d'étonnement lorsque je suis arrivé à Québec dans les années soixante, a été de découvrir à quel point ici, tout le monde connaît tout le monde, ou connaît quelqu'un dont le frère ou la belle-sœur connaît quelqu'un qui a rencontré le partenaire de l'étude légale qui s'occupe des affaires du compétiteur de votre patron. Tout le monde connaît tout le monde et je continue à m'amuser à constater à quel point toute conversation débouche rapidement sur des considérations de personnes qui se connaissent, qui ont étudié ensemble, qui ont joué au hockey ensemble, quand elles ne sont pas tout simplement parentes de manière plus ou moins directe.

Au début, pareil " tricotage serré " amuse, étonne, puis, intrigue. Parce que comme immigrant, on se demande comment s'insérer dans des mailles aussi serrées. Pour ma part, j'ai été chanceux, d'une part parce que la question de la langue ne se posait (presque !) pas, d'autre part parce que j'ai été en contact avec des québécois bien branchés qui m'ont parrainé très efficacement pour m'introduire dans leurs réseaux locaux et nationaux. Dans mon cas, je dois vous avouer que la société canadienne de géotechnique a été un milieu d'intégration extraordinaire sur le plan professionnel alors que le Club de tennis Montcalm a été un précieux outil d'intégration à la société de Québec par les conversations qui j'y ai entendues dans les vestiaires, par les rencontres que j'y ai faites et les contacts que j'y ai noués. Je le signale aux immigrants : les regroupements professionnels et les activités de loisirs de toutes sortes sont de précieux instruments d'intégration douce à la société ambiante, d'établissements de ces contacts si précieux pour entreprendre le long travail d'acculturation et d'intégration à une nouvelle société.

Mon expérience personnelle indique une autre piste d'action : sans les parrains qui m'ont introduit dans cette société " tricotée serré ", je ne suis pas sûr que je serais ici à vous parler aujourd'hui. Nous devons penser, à titre individuel, à nous mettre à la disposition des nouveaux arrivants, à les inviter dans nos réseaux, à les accompagner dans leurs premiers pas dans les milieux professionnels et sociaux de la région. Nous devons penser, à titre collectif, à organiser des occasions de rencontre.

Il faut aussi se rappeler certains défis essentiels pour la famille immigrante. Ces familles sont coupées de tout réseau de soutien qu'on a tous l'habitude d'utiliser : réseau familial, réseau des amis. C'est un vrai défi qui fait, comme le disait Alain Dubuc tout à l'heure, que tout immigrant vit une période initialement difficile. Il est seul, totalement responsable de son sort, dans un environnement nouveau, sans contact. J'en parle d'expérience pour l'avoir vécu. La Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain a commencé à jouer un rôle actif en ce sens ; je m'en réjouis et je nous invite tous à en faire plus. Mais comme le disait Alain Dubuc tantôt, il faut penser à intégrer non seulement les travailleurs et les professionnels, mais aussi leurs familles, et il faut les intégrer dans la vie de tous les jours ! C'est un défi pour tous les membres de la société.

Je veux aussi signaler à nos immigrants que l'effort ne doit pas être seulement du côté de la société d'accueil. Les immigrants ont aussi la responsabilité de faire eux-mêmes des efforts d'intégration. De ce point de vue, mon expérience personnelle qui m'avait appris à vivre dans une culture autre que la mienne à titre d'étudiant en Allemagne, puis à m'intégrer à une famille allemande par mon mariage, m'avait donné l'ouverture et l'autonomie nécessaires pour ne pas rechercher à tout prix le voisinage d'autres immigrants à mon arrivée à Québec. Le risque est grand en effet, pour les immigrants de s'enfermer dans des ghettos qui retardent ou compliquent leur intégration à leur société d'accueil. À cet égard, nous avons un avantage considérable dans la région de la Capitale nationale: il n'y a pas de " ghetto " constitué, pas de quartier où existent de larges concentrations de communautés culturelles immigrantes. Le champ est libre, si j'ose dire, pour que toute notre région devienne un lieu d'accueil. Cet avantage, toutefois, ne nous dispense pas de mettre en place les nécessaires structures d'accueil et ce doit être une de nos priorités.

La place de l'immigrant au sein de notre nouvelle ville de Québec

Enfin, un mot de ma vision de la place de l'immigrant au sein de notre nouvelle ville de Québec. Je vous l'affirme d'emblée : cette place est indispensable, et si nous ne réussissons pas mieux à attirer et à intégrer ici plus d'immigrants et leurs familles, nous en serons tous appauvris. En effet, nous savons que notre région doit diversifier son économie qui ne peut plus compter sur le développement de l'appareil gouvernemental, même si l'État demeure l'employeur le plus important de la ville de Québec.

Les secteurs d'avenir de notre économie, ce sont le tourisme, la haute technologie et la culture, notamment le monde du multimédia. Dans tous ces secteurs, nous avons besoin des immigrants, de leur créativité, de leur énergie, de leur travail, de leurs compétences. Déjà, les entreprises de haute technologie de notre région font largement appel à une main-d'œuvre immigrante qualifiée. Vous n'avez qu'à penser à Exfo. Comme nous avons pris résolument le virage vers la création d'entreprises à haute valeur ajoutée, qui sont le fruit pour beaucoup de l'application de la recherche faite à l'Université, il nous faudra, pour soutenir et réussir ce virage, attirer plus d'immigrants qualifiés ici. L'Université Laval peut, certes, y contribuer en attirant ici des étudiants internationaux en plus grand nombre et en les mettant en contact avec les entreprises locales. Mais il nous faut des stratégies plus larges de recrutement international d'expertise.

Le tourisme, compte tenu de l'histoire et du site exceptionnel de Québec, demeurera un secteur majeur de l'économie de la région. Mais dans ce tourisme, la place du tourisme d'affaires doit continuer à se développer. Pour rayonner sur le monde et inviter correctement le monde à venir se réunir ici, au Centre des congrès ou plus simplement à Québec, une main-d'œuvre polyglotte constitue un avantage indéniable. Là encore, notre région a un besoin incontournable d'immigrants. Enfin, les industries de la culture, qui sont importantes pour Québec, ont également besoin de l'imagination d'artisans provenant d'horizons divers pour poursuivre leur croissance. Là encore, l'apport des immigrants est nécessaire.

Je disais tantôt que la faible proportion de population immigrante dans notre milieu a toutes sortes de conséquences. Une autre de ces conséquences regrettables, c'est le peu de contact entre la population d'ici et de véritables immigrants ; or ces contacts sont porteurs d'ouverture culturelle et sociale et ils sont fondamentalement enrichissants pour tout individu et toute société.

Dans un bref essai publié le 4 février dernier dans le magazine Time, Michael Elliott réfléchissait sur cette mosaïque cosmopolite qu'est la ville de New-York. Il écrivait, et je cite : " Pour les participants du sommet de Davos tenu à New-York, il y a deux leçons à tirer de la mosaïque new-yorkaise. La première, c'est que la globalisation, ce grand thème de notre époque, est le fruit non seulement de la technologie, de l'économie ou du commerce des biens et des services, mais aussi de cet inlassable mouvement de personnes, de millions d'entre elles, sur une échelle que le monde n'a jamais connue. La seconde leçon, c'est qu'avec de la bonne humeur, de la bonne volonté et de la tolérance, ce mouvement d'humanité peut créer une culture vibrante et une opportunité sans précédent pour les gens de rêver d'un avenir meilleur pour eux et leur famille ". Fin de la citation.

Notre population et nos entreprises de la région de Québec ont besoin des immigrants. Elles doivent apprendre à les accueillir, à les intégrer, à les écouter. Elles doivent aussi développer cette profonde conviction que les immigrants constituent une valeur ajoutée à notre milieu, une richesse humaine additionnelle dont notre société à la démographie déclinante a un besoin essentiel pour poursuivre son progrès. Nous savons très bien accueillir les touristes. Nous devons apprendre à accueillir les immigrants et leurs familles, à les accepter parmi nous, à les intégrer dans nos entreprises et nos milieux de vie. Notre société de Québec n'en sera que plus vivante et ouverte.

L'Université Laval, avec sa population importante d'étudiants internationaux, peut jouer un rôle important dans l'animation et les échanges multiculturels pour contribuer à l'ouverture de notre société à cette diversité culturelle, pour aider dans les actions d'intégration des immigrants. Nos associations étudiantes sont ouvertes à ce genre de collaboration, et je veux vous assurer que l'Université est prête à intensifier son action en ce sens.

Conclusion

En terminant, je veux vous dire que je n'ai jamais regretté une seule minute d'avoir choisi Québec et le Québec pour y mener une vie professionnelle et personnelle des plus enrichissantes. Québec et les Québécois m'ont beaucoup donné, je tâche de le leur rendre dans toute la mesure du possible par mon action à la tête de cette grande institution qu'est l'Université Laval et en m'impliquant dans les grands dossiers régionaux comme celui qui nous réuni aujourd'hui. Je formule le vœu que ce soit le cas pour tous les immigrants que nous accueillerons ici et qu'ils soient de plus en plus nombreux à profiter d'une des plus belles villes d'Amérique et à faire progresser notre société.

Je vous remercie.

 
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