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UNE ALLOCUTION DE M. FRANÇOIS TAVENAS, RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ LAVAL, LORS DE LA CLÔTURE DU COLLOQUE TÉLÉTRAVAIL, LE 16 MAI 2001, AU CENTRE DES CONGRÈS DE QUÉBEC

Mesdames,
Messieurs,

À titre de recteur de l'Université Laval, je suis très heureux de m'être associé à cet événement d'envergure internationale, le plus important colloque jamais tenu au Canada sur le télétravail.

Pour la première fois au pays, nous avons observé tous les enjeux que le phénomène du télétravail pose à nos lois, nos organisations, nos institutions et, enfin à nos travailleurs et travailleuses. Cette rencontre aura permis de nous comparer à d'autres sociétés modernes à la fois pour nous en inspirer mais aussi pour y promouvoir les expériences vécues ici. Il nous aura aussi, et surtout, permis d'approfondir les questions multiples et complexes que pose l'émergence du télétravail.

Ensuite, l'intégration efficace de la composante télétravail dans les organisations exige, de la part des gestionnaires, un effort considérable de réflexion et de remise en question des politiques organisationnelles et des méthodes de gestion. À ce sujet, les défis sont importants avec la nécessité de formaliser les attentes vis-à-vis des travailleurs avec ce que ça comporte de rigidité dans la gestion du travail, de définir de nouvelles méthodes de suivi, de renforcer le lien de confiance avec les travailleurs, de trouver des moyens de recréer les interactions entre membres de l'équipe de travail, de favoriser la mise en commun des expertises et le transfert des connaissances entre travailleurs expérimentés et plus jeunes et, plus globalement, de renforcer le sentiment d'appartenance à l'organisation.

Encore, pour le travailleur individuel, le télétravail porte en lui l'obligation d'une responsabilisation accrue, d'une perception accrue des notions de valeur ajoutée, de productivité. Il porte aussi, bien évidemment, les bénéfices d'une qualité de vie améliorée, d'un contrôle total de l'environnement de travail, d'une élimination des pertes de temps de transport. Ceci dit, ce n'est pas tout le monde qui a la vocation de télétravailleur ni, à plus forte raison, d'ermite !

L'être humain est un animal grégaire et a besoin du contact avec les autres, à commencer par ses collègues. Pour être à l'aise dans le télétravail, il faut donc avoir certaines prédispositions personnelles, il faut aussi bénéficier d'une organisation qui va se préoccuper de la socialisation des télétravailleurs dans une équipe de travail. Ces notions d'équipes de travail, de socialisation, d'intégration à la vie de l'organisation sont centrales et appellent des recherches approfondies.

Pour les mouvements syndicaux aussi, le télétravail pose des défis nouveaux et considérables. On pourrait presque dire que le télétravail, avec ce qu'il implique d'individualisation du travail, est à l'opposé de plusieurs des principes fondateurs du syndicalisme : la définition et la défense des intérêts collectifs, l'action collective. Cette opposition n'est qu'apparente, les télétravailleurs ayant comme les autres travailleurs, des préoccupations, des intérêts à défendre. L'action syndicale doit donc, elle aussi, être redéfinie pour accompagner les télétravailleurs dans un développement harmonieux de leur rôle dans l'organisation.

J'ai tenté de dégager mon agenda de ces deux derniers jours autant que possible pour assister à vos travaux. Je n'y ai pas pleinement réussi, mais je dois dire que j'ai été passionné par les débats auxquels j'ai assisté. Je ne tenterais sûrement pas l'exercice impossible de synthétiser ce qui s'est dit ici depuis deux jours, d'autant que ma formation d'ingénieur civil et de spécialiste de la géotechnique ne me qualifie pas particulièrement, mais il me semble que vous avez dégagé un certain nombre de grandes orientations à donner aux recherches futures.

D'abord, le télétravail, nouvelle composante de l'organisation du travail, ne s'applique pas partout ni à tous les travailleurs. Pour prometteuse qu'elle soit, cette composante ne semble pas devoir se généraliser au-delà de 15 à 20 % de l'ensemble des postes. Le défi va donc être d'en définir le rôle optimal, les champs d'application, les limites. On le voit aujourd'hui par la diversité des situations dans les différents pays du monde, les aspects culturels vont jouer un rôle essentiel dans cette définition de la place du télétravail.

Dans un autre ordre d'idées, le télétravail fait un très large usage des moyens technologiques de télécommunications. Il me semble essentiel de garder à l'esprit cette réflexion de Dominique Wolton :

" Le plus compliqué dans la communication n'est pas le message ou son support, mais la manière dont les hommes le reçoivent et l'utilisent dans le temps. Plus le monde sera petit, plus le décalage entre la vitesse des échanges et la lenteur des communications sera grande. "

Dans le télétravail, comme dans la télééducation ou la télémédecine, gardons-nous de nous laisser absorber par les aspects technologiques des communications et préoccupons-nous d'abord et avant tout de la manière dont les personnes utilisent ces moyens pour améliorer leurs actions, leurs interactions, leurs vies. Bref, les questions sont nombreuses et complexes et les besoins en recherche considérables.

Enfin, et je terminerai là-dessus, le télétravail porte avec lui un énorme défi pour tous en ces temps de mondialisation. En effet, le télétravail rompt le lien traditionnel entre travail et présence physique. Grâce à Internet, cet aspect n'entre plus en ligne de compte. Une entreprise qui décide de passer au télétravail peut, dans bien des cas, faire effectuer le travail à 5 km ou à 5 000 km. Se posent alors toute la diversité et l'énormité des questions :

De fait, le télétravail pose, dans toute sa splendeur, tous les problèmes de la mondialisation. Et je suis bien obligé de constater que, dans ce célèbre village global où nous vivons, l'adresse de l'hôtel de ville n'est pas encore connue, ni d'ailleurs la composition du conseil municipal.

Par ce colloque, nous espérons avoir fait la preuve que de grands projets de recherche regroupant plusieurs chercheurs qui évoluent dans diverses disciplines et universités sont essentiels au développement de la société de l'information.

Le projet de recherche jumelé à cette activité permettra d'explorer avec encore plus de profondeur les nouvelles formes de travail. Et, qui sait ? peut-être nous retrouverons-nous dans deux ans à nous abreuver aux nouvelles conclusions qu'en aura tirées l'équipe de chercheurs qui est en train de se constituer autour du projet Modes de collaboration et de travail à l'âge d'Internet.

Nous espérons donc que ce colloque a répondu à vos questions et attentes. Qu'il vous a permis de faire la lumière sur les multiples facettes du télétravail et des nouvelles formes de travail. Nous espérons également que les résultats que nous avons présentés serviront à stimuler la réflexion et à favoriser la mise en œuvre de projets de nouvelles formes de travail, dont le télétravail.

Nous souhaitons également que vous avez été autant impressionné que nous par la qualité des conférenciers tant locaux qu'internationaux. J'aimerais d'ailleurs profiter de l'occasion pour les remercier ainsi que l'équipe du CEFRIO sans qui ce colloque n'aurait pu avoir lieu.

Un merci tout particulier aux membres du comité organisateur pour leur générosité, leur temps (une denrée rare dans leur cas) et leur savoir-faire :

Comité organisateur:

À Michel Audet, directeur, Innovation et transfert, CEFRIO et professeur en relations industrielles, Université Laval
À Lyne Bouchard, directrice, Gartner Group
À Monique Charbonneau, présidente-directrice générale, CEFRIO
À Marcel Gilbert, directeur, Développement de projets, CEFRIO
Ä Martine Hébert, directrice, Affaires professionnelles et gouvernementales, Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles du Québec
À Réal Jacob, professeur et titulaire adjoint, Université du Québec à Trois-Rivières, et chercheur associé au CEFRIO
À André Ouellet, administrateur, Fédération de l'informatique du Québec (FIQ)
À Marie-France Revelin, directeur, Services professionnels, Bell Canada
À Paul-André Robitaille, directeur, Service aux membres et administration, CEFRIO

Merci de votre présence attentive, en très grand nombre, merci d'avoir fait de ce colloque un grand succès et, je l'espère, au revoir au prochain colloque du CEFRIO.

 
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